Le débat sur les frontières entre l’histoire et la fiction prend un nouveau tournant au XXe siècle, lorsqu’en parallèle avec des évolutions essentielles de la discipline historique, s’ouvrent de nouveaux territoires pour l’écriture fictionnelle. Alors que les historiens s’interrogent sur la place de leur subjectivité et de leur talent d’écrivain dans leur travail scientifique, et alors que se développent l’histoire des mentalités sous l’influence de l’anthropologie puis la micro-histoire ou les approches historiques « par le bas », on observe dans les littératures un travail sur la voix qui rapporte et analyse le passé, caractérisé par une mise en valeur des voix intimes, plurielles et enchevêtrées, oubliées, ou encore traumatisées, sans mots pour raconter. Sur le continent américain, nombreuses sont les œuvres littéraires où le travail sur la voix vise à déjouer les discours historiques dominants pour inscrire dans le présent le passé de ceux qui ont été laissés de côté ou opprimés : les minorités, les populations dominées dans le système colonial, les victimes des dictatures.

Nous nous intéresserons à des extraits d’œuvres américaines (latino-américaines, caribéennes, et nord-américaines) des XXe et XXIe siècles pour voir par quelles stratégies narratives se construit leur dimension de contre-récit historique. En questionnant les formes que prend la pratique littéraire de l’histoire dans ces œuvres, nous nous interrogerons également sur la manière dont elles proposent de nouvelles formes d’engagement.