Ce cours est une initiation à l’analyse philosophique et épistémologique des grands paradigmes en sciences sociales. Il s’agit d’interroger, du point de vue d’une théorie de la connaissance, certaines décisions épistémologiques et méthodologiques des courants des sciences sociales [individualisme, holisme, interactionnisme, etc.], et de montrer que ces « partis pris » ne sont pas sans rapports avec des "visions du monde social". En d’autres termes, il s’agira de comprendre que les plans épistémologique et méthodologique à partir desquels on peut rendre compte d’une certaine orientation théorique en sciences sociales s’adossent à des arrière-plans ontologique et pratique qui délimitent une conception du "sujet" connaissant, une définition de son activité (la "critique") et, mais c'est tout un, une lecture de son rapport au monde. 

Cette année 2018-2019 [second semestre] sera consacrée à une enquête portant sur le statut de la réflexivité dans les sciences sociales. La règle méthodologique du "principe de neutralité axiologique", par exemple, est souvent posée comme l'une des normes méthodologiques fondamentales garantissant l'objectivité de la connaissance. Autrement dit, l'objectivité serait garantie par la démarcation très nette entre le registre des "faits" et celui des "valeurs". L'étude de cas montre cependant qu'une telle dissociation n'est pas facilement réalisable, qu'elle suppose la mise en place de dispositifs méthodologiques complexes qui en disent peut-être plus sur la manière dont les sciences sociales conçoivent la nature du "sujet connaissant", celle de ses relations avec les objets de connaissance, etc. Plus encore, l'analyse critique [sur ce plan nous renvoyons également au cours "Féminismes et épistémologies critiques" du premier semestre] montre que l'accomplissement d'une telle dissociation est impossible et repose sur des mythologies dont il faudra explorer les contours, mais dont la plus immédiate est précisément l'idée qu'il serait possible de poser le "dualisme des faits et des valeurs". 

On prendra donc pour point de départ l'exploration de certains exemples ou cas empruntés à diverses sciences sociales pour tenter de mesurer de quelles manières se trouve ou non réalisé l'objectif de neutralité et si, bien sûr, un tel objectif est réalisable. 

Répondre à de telles interrogations est, comme nous nous efforcerons de l'indiquer dans les séances introductives, une manière parmi d'autres, de revenir à la question classique des formes de la réflexivité des sciences sociales sur elles-mêmes ou, pour reprendre les termes d'une formulation plus connue, de rendre plus explicites les formes d'objectivation méthodologiques du sujet objectivant [P. Bourdieu].